La fumigation est une méthode de lutte contre les organismes nuisibles qui consiste à injecter ou à incorporer dans le sol un produit chimique (un fumigant) qui s’y transforme ensuite en gaz afin de réduire les populations d'agents pathogènes, notamment les nématodes, et le nombre de graines de mauvaises herbes avant la semence. Certains fumigants peuvent aussi avoir un effet sur d'autres organismes présents dans les sols, comme les insectes hivernants. La fumigation est coûteuse et n'est pratiquée que sur les cultures à fort rapport économique et celles présentant des problèmes importants de parasites du sol, comme le tabac, le ginseng, les légumes-racines, les tomates et les fraises. On l'utilise parfois sur d'autres cultures, comme les arbres fruitiers et celles des pépinières, lorsqu'il y a d'importants problèmes de maladie dans le sol.

Les fumigants sont proposés sous la forme de granulés, de liquides ou de gaz, mais tous se transforment en gaz lorsqu'ils sont injectés dans les sols. Parce qu'ils se déplacent dans le sol à l'état gazeux, ils sont très volatils. Ils nécessitent donc un respect rigoureux des directives figurant sur l'étiquette afin de s'assurer qu'ils ne s'échappent pas prématurément du sol, ce qui peut entraîner des problèmes au niveau de la santé et de l’environnement, en plus de réduire l'efficacité de ces produits coûteux.

Leur niveau d’efficacité contre les différents organismes nuisibles du sol est variable. Le choix du fumigant optimal dépend de la culture, des organismes nuisibles en cause et du coût par rapport à la valeur de l'investissement.

Méthodes d’application :

En bandes

La plupart des cultures nécessitant une fumigation sont traitées de cette façon. La méthode consiste à injecter ou à incorporer des fumigants dans le sol, uniquement en une bande sous le rang où la culture sera plantée. Cela permet de protéger les racines en développement dans la majeure partie de la zone racinaire. Ainsi, le fait de ne pas fumiger les zones situées entre les rangées ou les rangs permet de réduire les coûts. L'inconvénient des applications en bandes est la possibilité que l'agent pathogène se propage de la zone non traitée à la zone fumigée. Par exemple, les champignons à croissance rapide comme le Rhizoctonia peuvent recoloniser rapidement la zone traitée après une fumigation en bandes. De plus, si la culture n'est pas plantée directement sur les bandes traitées, il peut y avoir des parties de plantes dans la rangée qui ne sont pas protégées.

À la volée

La fumigation à la volée consiste à traiter la pleine surface du champ plutôt qu'une simple bande sous le rang. Malgré ce que l'expression implique, la plupart des produits de fumigation sont injectés dans le sol, les pals injecteurs étant espacés à intervalles réguliers sur l'ensemble de la zone. Si la fumigation à la volée est plus coûteuse, elle convient mieux aux cultures sans rangs distincts, comme le ginseng, et à la production de couronnes de fraises.

Par injection

Qu'ils soient appliqués à la volée ou en bandes, la plupart des fumigants sont injectés soit sous le rang, soit à intervalles réguliers sur toute la largeur du matériel d'application, à l'aide d'un pal qui perce le sol en amont du tube d'injection. Les opérateurs peuvent varier la profondeur du pal ou faire en sorte que le fumigant soit injecté à différentes profondeurs, en fonction des indications sur l'étiquette, de la culture concernée et de l'agent pathogène visé.

Granulaire

Certains fumigants (p. ex. Basamid) se présentent sous la forme de granulés que l'on épand sur le sol puis que l'on incorpore à l'aide d'un rotoculteur. Lorsque les granulés entrent en contact avec l'humidité, ils se transforment en gaz. Il est important d'incorporer les fumigants granulaires le plus tôt possible après l'épandage pour s'assurer qu'ils ne se transforment pas en gaz lorsqu'ils sont encore à la surface. Les fumigants granulaires sont plus difficiles à incorporer aussi profondément dans le sol que les fumigants injectés et, selon le niveau d'humidité du sol, peuvent prendre plus de temps pour libérer le gaz, ce qui peut réduire la concentration de fumigant à une période donnée et donc nuire à son efficacité.

Bonnes pratiques de fumigation

Préparation à la fumigation

Quel que soit le produit utilisé ou la méthode d'application, la préparation du sol et les procédures d'application appropriées sont essentielles pour atteindre un niveau d'efficacité optimal du produit. Une mauvaise application du fumigant peut entraîner des problèmes de dérive dont les conséquences peuvent être importantes pour le cultivateur et l'industrie. Des directives détaillées pour la préparation des sites et l'application des fumigants sont fournies sur les étiquettes des fumigants. Il s'agit d'exigences légales qui doivent être respectées, mais qui sont également bénéfiques pour les exploitants, puisqu'elles garantissent la rétention du produit dans le sol et son efficacité maximale.

La préparation du sol avant l'application du fumigant est essentielle pour atteindre une maîtrise maximale des organismes nuisibles qui y sont présents. Les fumigants ne peuvent pas pénétrer facilement les grosses mottes de terre et de matière organique. Les débris peuvent nuire à l'étanchéité du sol, laissant le fumigant s'en échapper avant que le produit ne puisse tuer les organismes nuisibles. Un travail du sol peut être nécessaire bien avant la fumigation afin d'assurer la décomposition de la matière organique. Ce travail s'ajoute à celui qui précède la fumigation.

Avant la fumigation, labourer soigneusement la zone à traiter, en brisant les mottes et en ameublissant le sol en profondeur. Si une croûte de sol se forme entre ce travail et la fumigation, travailler à nouveau légèrement le sol immédiatement avant l'application du fumigant.

L'humidité du sol dans les premiers 15 à 20 cm doit correspondre aux niveaux indiqués sur l'étiquette du fumigant et ce, avant et pendant l'application. En général, le sol doit être humide sans être proche de la saturation, car les sols saturés n'ont pas assez de poches d'air pour permettre au fumigant de s'y déplacer. Les niveaux d'humidité exacts requis sont spécifiés sur l'étiquette du produit. Un sol trop sec peut laisser échapper le fumigant prématurément et nuire à l'étanchéité de la surface du sol. Si nécessaire, arroser avant la fumigation pour assurer une bonne humidité du sol.

Méthodes d’application

L'efficacité des fumigants dépend du respect rigoureux des bonnes pratiques agricoles. Ainsi, il faut appliquer les fumigants à des températures de l'air et du sol adéquates, sceller efficacement le fumigant dans le sol, éviter les mauvaises conditions météorologiques et attendre le temps nécessaire avant de travailler le sol et de semer la culture.

Une température élevée de l'air et du sol pendant la fumigation peut rendre le fumigant plus volatil et le faire s'échapper trop rapidement du sol. Inversement, si l'air et le sol sont froids, le fumigant ne peut pas se déplacer correctement dans le sol et peut y rester piégé, causant des dommages à la culture suivante. En général, on obtient une efficacité optimale du fumigant lorsque la température du sol à la profondeur de l'injection se situe entre 10 et 25 °C. Les limites exactes de température de l'air et du sol sont précisées sur l'étiquette de chaque produit.

Ne pas appliquer de fumigants pendant les périodes de calme plat ou de vents forts, car ceux-ci peuvent causer des problèmes importants de dérive. NE PAS appliquer de fumigants lorsqu'une inversion de température se produit ou est prévue dans les 48 heures suivant la fin de l'application, car les vapeurs de fumigants peuvent dériver. Pour obtenir des renseignements supplémentaires sur la manière dont les inversions affectent la dérive des produits antiparasitaires, recherchez « inversions » sur le site  www.sprayers101.com.

Couvrir le sol immédiatement après la fumigation pour empêcher le fumigant de s'échapper. La meilleure méthode consiste à utiliser des bâches en plastique pour isoler le sol. Cette mesure est nécessaire pour l'application à la volée de fumigants à base de chloropicrine sur certaines cultures. Pour les autres cultures ou fumigants, s'il n'est pas possible de poser des bâches, il faut rouler, cultitasser ou briser la trace laissée par le passage du ciseau au moyen de dispositifs de scellage du sol par compaction ou de mise en forme des rangs placés juste à l'arrière de l'applicateur de fumigant. Se référer aux étiquettes des produits pour connaître les exigences en matière de scellage pour chaque fumigant et chaque culture. Pour les produits qui ne sont pas appliqués sous une bâche, un arrosage léger après l'application empêchera davantage le fumigant de s'échapper du sol.

Marche à suivre après l’application

Il ne faut pas travailler le sol pendant 7 à 14 jours suivant la fumigation, selon le produit. Cela permet au produit d'entrer en contact avec les organismes ciblés, de se répartir dans le sol et de se décomposer en produits chimiques plus inertes. Une fois que les bâches sont retirées ou que le scellage est rompu, il faut laisser évacuer le fumigant restant dans le sol avant de commencer une nouvelle culture. La mise en culture peut faciliter l'évacuation, mais les exploitants doivent suivre les indications sur l'étiquette concernant les pratiques à adopter après la fumigation. Selon le produit, le type de sol et son taux d'humidité, il peut s'écouler plus de 30 jours après la fumigation avant que celui-ci ne soit évacué et qu'il soit possible de semer en toute sécurité.

Les plants repiqués peuvent être tués ou gravement endommagés si le fumigant est encore dans le sol au moment du repiquage. Le risque que le fumigant reste dans le sol est plus grand dans les zones basses et mal drainées, dans les sols lourds ou lorsque les sols restent frais et saturés après la fumigation, en particulier lorsque des doses élevées de fumigants sont utilisées.

Pour les cultures repiquées où la mise en terre a lieu peu de temps après la fumigation, il est important de s'assurer qu'il est possible de procéder à la plantation en toute sécurité. Une fois passées toutes les restrictions de réintroduction des cultures figurant sur l'étiquette, il faut travailler le sol conformément aux indications de celle-ci afin de faciliter l'évacuation des gaz restants. Il peut s'avérer nécessaire de confirmer que le repiquage ne présente aucun danger en repiquant une jeune plante sensible (p. ex., tabac, tomate) et d'examiner les dommages après un jour ou deux avant de poursuivre. Il faudra peut-être aérer le sol de nouveau si les plantes d'essai sont endommagées. Voir les étiquettes pour des indications précises.

Exigences en matière d’étiquetage

Les étiquettes des fumigants comportent des exigences d'utilisation détaillées qui prévoient des mesures plus poussées avant, pendant et après l'application que pour la plupart des autres produits de lutte phytosanitaire. Ces exigences visent à limiter davantage l'exposition des utilisateurs et à accroître la protection des employés, des passants et de l'environnement. Les exigences générales sont décrites ci-dessous mais ne remplacent pas les indications détaillées figurant sur l'étiquette la plus récente du produit.

Définitions

Certains termes précis utilisés sur les étiquettes des fumigants sont définis ci-dessous :

Plan de gestion de la fumigation (PGF)

Le préposé à l'application ou le propriétaire du site doit préparer un plan de gestion de la fumigation (PGF), lequel décrit en détail les principales étapes permettant d'effectuer une fumigation sûre et efficace.

Parcelle d’application

La parcelle d'application est la zone du champ faisant l'objet de la fumigation.

Zone tampon de fumigation

Une zone tampon de fumigation est une aire établie autour du périmètre de la parcelle d'application et qui s'étend uniformément dans toutes les directions. La taille de la zone tampon dépend du produit, de la méthode et de la dose d’application ainsi que des dimensions du champ et est stipulée sur l'étiquette du produit. Remarque : Une zone tampon de fumigation est différente d'une zone tampon figurant sur les étiquettes d'autres produits phytosanitaires.

Période d’interdiction d’accès à la parcelle

La période d’interdiction d'accès à la parcelle est celle qui suit la fumigation et pendant laquelle il est interdit d’entrer dans la zone traitée. Seules les personnes portant un équipement de sécurité spécifique (comme les intervenants d’urgence) peuvent y avoir accès, tel qu'indiqué sur l'étiquette du produit. Cette période d’interdiction débute au moment de l'application en parcelle et prend fin au moins 5 jours après la fin du traitement, mais peut être plus longue selon les méthodes utilisées.

Période de restriction d’accès à la zone tampon

La période de restriction d'accès à la zone tampon est celle qui suit la fumigation et qui limite l'accès à la zone tampon au personnel spécifié sur les étiquettes du produit (comme les préposés à l'application et le personnel d'intervention d’urgence). Cette période commence au début de l'application et se termine au moins 48 heures après la fin du traitement.

Plan d’intervention d’urgence

Un plan d'intervention d'urgence est une disposition du PGF comportant un plan écrit visant à définir les mesures à prendre en cas d'incidents liés à la fumigation (par exemple, en cas de défaillance de l'équipement, d'un déversement ou d'irritation sensorielle hors de la zone tampon).

Utilisateurs de fumigants de sol

Toute personne qui manipule un produit de fumigation de sol est considérée comme un utilisateur de fumigant.

Exigences relatives aux fumigants de sol

Les paragraphes suivants décrivent les principales exigences figurant sur les étiquettes. Se reporter aux étiquettes des produits de fumigation pour obtenir les listes complètes.

  • Rédiger un PGF avant de débuter toute application de fumigant, ceci afin de couvrir toute l'information relative à l'application et de s'assurer que les exigences figurant sur l'étiquette sont respectées. Un PGF distinct est requis pour chaque parcelle d'application et le document doit être présent sur le site pendant toutes les activités de manipulation du fumigant.
  • Au moins une semaine précédant l'application, mais pas plus de quatre semaines, fournir aux résidences et aux entreprises situées près de la zone tampon des renseignements détaillés concernant l'application du produit, tel que stipulé sur l'étiquette du produit. (Voir les distances indiquées sur l'étiquette).
  • Suivre les bonnes pratiques agricoles obligatoires se trouvant sur l'étiquette et ce, avant, pendant et après l'application, notamment en évitant les conditions météorologiques susceptibles de provoquer une dérive (p. ex., une inversion de température).
  • S'assurer que tous les utilisateurs de fumigants possèdent un certificat approprié ou un permis de préposé à l'application de pesticides reconnu par la province.
  • Respecter la période d'interdiction d'accès à la parcelle stipulée sur l'étiquette. Les préposés à l'application doivent informer verbalement les employés de l’application du fumigant.
  • Poser des affiches signalant l'application du fumigant (tel qu'indiqué sur l'étiquette du produit) en les plaçant à toutes les issues de la parcelle d'application et ce, avant le début du traitement, mais au plus tôt 24 heures avant. Il est à noter que cette mesure s'applique aux limites de la parcelle d'application réelle et non à l'entrée principale du champ, à moins que tout le champ ne soit traité. Ces affiches doivent rester en place pendant toute la période d’interdiction d’accès à la parcelle, mais doivent être retirées dans les 3 jours suivant la fin de cette période.
  • Établir la zone tampon pour l'application du fumigant conformément aux indications sur l'étiquette. Les étiquettes comportent des tableaux permettant de déterminer la distance requise pour la zone tampon en fonction de la méthode d'application et de la superficie du champ. Toute personne ne manipulant pas de fumigant, y compris les travailleurs sur le terrain, les résidents et les piétons, doit être tenue à l'écart de la zone tampon pendant la période de restriction d'accès à la zone tampon, à l'exception des personnes en déplacement (p. ex. : à bord d'un véhicule ou à bicyclette). La zone tampon ne peut inclure un secteur résidentiel (pelouse, parc, terrain de jeu, sentier, route ou droit de passage), un terrain qui n'appartient pas au propriétaire de la parcelle d’application ou qui n'est pas exploité par lui, ni un bâtiment qui serait habité ou utilisé pendant la période de restriction d'accès à la zone tampon.
  • Placer des affiches signalant la présence d'une zone tampon (comme indiqué sur l'étiquette du produit) le long du périmètre de la zone tampon, aux points de passage habituels et le long des chemins où des personnes venant de l'extérieur risquent de s'en approcher (p. ex. à intervalles réguliers le long d'une route publique ou d'une zone résidentielle). Les affiches de zone tampon s'ajoutent aux affiches d'interdiction d'accès à la parcelle. Puisque les zones tampons doivent être d'au moins 8 m, peu importe la méthode d'application, l'affiche de zone tampon ne doit jamais se trouver à proximité de l'affiche d'interdiction d'accès à la parcelle.
  • Les affiches de zone tampon doivent être placées dans les 24 heures précédant le début de l’application et doivent demeurer en place jusqu’à la fin de la période de restriction d’accès à la zone tampon.
  • Respecter toutes les exigences en matière de surveillance indiquées sur l’étiquette pour s’assurer qu’il n’y a pas de dérive du produit après son application. Une surveillance est habituellement requise pour la durée de la période de restriction d’accès à la zone tampon. Si la démarche de surveillance révèle une dérive du produit, il faut déclencher le plan d’intervention d’urgence.
  • Rédiger un rapport sommaire d’application dans les 30 jours de la fin du traitement. On y trouvera une description de la démarche d’application, la documentation pertinente ainsi que toute l’information en lien avec l’application, incluant les conditions météorologiques, les incidents, les réparations, la surveillance de l’air et toute dérogation au PGF.
  • Le préposé à l’application et le propriétaire du site/l’exploitant doivent tous deux garder une copie signée du rapport sommaire pendant deux années.